Cet article fait partie d'une série explorant les symptômes naturels apparaissant au sein d'une équipe technique qui collabore au développement — principalement informatique — d'un produit. On y explore le lien avec des modèles issus de la psychologie du code, travaillée dans notre programme d'accompagnement du même nom.
Le diagnostic
Le symptôme de la réunion qui dérape s'exprime souvent dans une situation du type : « la réunion était pourtant bien partie, mais d'un coup, sur un sujet de désaccord, on s'est tous contractés et on est montés dans les tours !"1
À l'origine de l'apparition de ce symptôme, il y a plusieurs facteurs, qui sont en lien avec potentiellement chacun des 7 principes2 de la psychologie du code.
Et une espèce de boucle d'amplification se met en place. On commence à se tendre et à entrer en réaction à ce que peuvent dire les autres, ça se propage dans le groupe… On se sent agressé et du coup, on peut avoir tendance à agresser. Et quelques heures après, on ne comprend pas qu'on ait pu réagir comme ça.
Beaucoup de choses se passent en nous pour que cette situation arrive. Pour cet article, je vais présenter 2 modèles de notre fonctionnement qui aident à comprendre ce qui se joue.
Stratégies de survie
Le premier s'active au niveau neurologique : il est ancré très profondément en nous. Il y a très longtemps — à l'âge des chasseurs-cueilleurs —, notre situation d'être humain était très précaire : nous étions à la merci de nombreux prédateurs et dangers potentiels. L'évolution a sélectionné naturellement les individus qui mettaient en place 3 stratégies de survie, qui leur permettaient de mieux faire face à leurs dangers quotidiens :
- l'attaque : je vais agresser la source du danger pour l'éloigner ou le vaincre
- la fuite : je vais m'échapper le plus vite possible pour lui échapper
- l'inhibition : je vais rester bloqué complètement pour lui faire croire que je suis mort et qu'il se désintéresse à moi
Des milliers d'années ont passé et notre rapport à l'environnement a considérablement évolué. À part dans certains cas — notamment la guerre —, nous ne sommes plus du tout soumis à ce genre de dangers mortels. Mais notre cerveau a évolué beaucoup moins rapidement que notre civilisation. Et du coup, nous continuons à exprimer ces 3 stratégies de survie face à des sources de tension qui ne nécessitent pas forcément une réaction aussi disproportionnée.
COACH & CRASH
Un bon modèle de psychologie pour décrire ce genre de situation a été proposé par Robert Dilts de la Programmation Neuro-Linguistique3.
Il décrit 2 états opposés — l'un de flow de collaboration et l'autre de tension, de blocage — et propose 2 acronymes les représentant : COACH et CRASH.
Quand je suis dans l'état COACH, je suis :
- Centré : je ne suis pas uniquement dans ma tête, mais présent complètement aussi à mon corps, à mes ressentis, etc.
- Ouvert : je suis dans l'accueil de ce qui peut se passer, des possibilités qui peuvent se réaliser, sans jugement
- Alerte : je suis en conscience de ce qui se joue en moi et autour de moi
- Connecté : je suis en lien avec ce qui est important pour moi — valeurs, besoins, mission — et en lien avec l'autre
- Hospitalier : je crée un espace d'accueil pour mes propres sujets et ceux des autres
et à l'inverse, en état CRASH, je suis :
- Contracté : je suis physiquement et mentalement coincé, en repli sur moi et en tension
- en Réaction : je réagis en rejet de ce qui se passe autour de moi et en moi, je n'ai pas l'initiative
- en Analyse paralysante : je tourne en boucle dans ma tête ce qui se passe, je me juge sans fin et je reste bloqué
- Séparé : je ne suis plus en lien ni avec ce qui a du sens pour moi ni avec l'autre
- Hostile : je suis en défiance et en jugement vis-à-vis de moi-même et des autres
C'est un modèle : ces acronymes ne doivent pas être suivis à la lettre ! Si je prends quelques minutes, je suis capable de définir pour moi ce qu'est mon état COACH, la façon dont je le ressens, etc. Et je ne dois pas chercher à valider, un à un, tous les critères pour m'assurer que je suis bien en état COACH. Ça serait probablement un peu trop décentré ou en analyse…
S'en sortir
Ces deux modèles nous donnent des clés pour essayer de s'en sortir :
- Tout d'abord, ressentir quand je bascule en état CRASH, le reconnaître à moi-même, voire aux autres. Cela permet de prendre un pas de recul sur ce qui est en train de se passer, de créer un espace dans lequel je peux changer ma réaction naturelle.
- Basculer de mon système 1 — automatique, rapide, économe en énergie — à mon système 2 — plus réfléchi et plus lent4. Cela me permet de prendre conscience que ma réaction est probablement disproportionnée. Je ne suis pas en véritable danger et donc il n'y a pas de raison d'agresser l'autre ou de me cacher sous la table !
- Me recentrer et me reconnecter : nous sommes tous là autour de la table pour servir une cause commune, par exemple offrir de la valeur à nos clients. Ne l'oublions pas pour dépasser nos tensions !
- Accueillir les points de vue divergents, ils sont source de richesse.
- Mettre de l'humour : si j'arrive à utiliser l'espace que j'ai créé avant ma colère et transformer cette énergie négative en humour, notamment en autodérision, je peux complètement modifier la dynamique.
Souvent plus facile à dire qu'à faire !
Mais lorsque toute l'équipe est consciente de ces mécanismes et possède un langage commun pour en parler5 — « je crois que je suis en CRASH là » — ça aide à poser la sécurité psychologique6 pour avancer ensemble.
Comme pour tous les symptômes explorés ici, c'est quelque chose qu'on peut ressentir soi-même, ou observer chez un autre membre de l'équipe. Parfois, ça n'est pas de la tension, mais un sentiment d'une famille proche, plus ou moins fort : appréhension, colère, démission, stress, énervement, etc. ↩︎
Les 7 principes qui structurent notre programme sont : j'accepte que je vais faire des erreurs ; je ne suis pas mon code ; je suis là pour apprendre ; je n'ai pas le seul point de vue ; j'accueille le changement ; je joue collectif, toujours ; je prends des décisions pour de bonnes raisons. Ceux-ci sont abordés en détail dans le programme avec les modèles neuro-, psycho- ou philosophiques qui font leurs fondations. ↩︎
On a parlé de lui et de la PNL, à laquelle il a fortement contribué, au sujet de l'identification et du modèle des niveaux logiques de la pensée. ↩︎
En lire une introduction dans un article que j'ai écrit ici. ↩︎
Et c'est l'un des buts avoués de notre programme d'accompagnement des équipes techniques. ↩︎
Notion introduite au sujet de la rétro qui ne sert à rien. ↩︎
Hugues